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Manuel de savoir vivre
pour ceux qui ont raté les premiers épisodes.
Savoir vivre est pris au sens le plus strict,
manuel pour tenter de ne pas se suicider.
1. Lettre à Moi.
Cher moi,
ce texte va te paraître cynique mais il n’en est rien. Il est simplement l’énoncé des règles que tout le monde connaît, mais que seuls les dominants utilisent comme base de comportement. Tous ceux qui se sont fait une place dans cette société, aussi petite soit-elle, connaissent ces règles et « font avec ». Ces gens sont ceux qu’on appelle communément « normaux » qui, avec ces règles, parfois sans même s’en apercevoir, « s’intègrent »; il n’y a que les débiles comme toi pour s'y opposer.
Le moyen de voir ces « règles », non plus comme quelque chose à combattre, mais comme les montagnes et le ciel des relations humaines, voilà la pêche que je te ramène au port.
2.Postulat (Idée de départ)
Pour écrire ce livre, je pars du principe que j’ai une éthique. J’entends par éthique l’ensemble des règles qui me paraissent secrètement valables. J’entends par secrètement le fait que rien ne me force à en parler. Ce sont mes règles fondamentales, celles avec lesquelles le monde négocie pour entrer en moi et que je vais devoir maintenir pour exister socialement. Exister socialement ce n’est pas réussir dans la vie, c’est simplement pouvoir vivre.
Renoncer à mon éthique et renoncer à ma vie seront pour moi énoncés comme synonymes.
3. Règles
*Je suis un pays.
Mes frontières et mes coutumes me sont propres. Personne n’a le droit d’ingérence. Je dois négocier avec le monde et il doit négocier avec moi.
*Si je suis un pays, alors je dois instaurer dans ce pays un régime politique convenable. J’entends par régime politique convenable celui que la société devrait adopter selon mon point de vue.
*Je suis plus intelligent que moi, c’est à dire que l’ensemble de mes sens, pensées, souvenirs, peurs, etc., sont plus apte à prendre des décisions que celui en moi qui pense, lit, entend, voit. Ce dernier étant l’équivalent d’une caméra par rapport à ma personne dans son entier.
*Ce que je vois existe, même si tout le monde affirme le contraire.
Si je suis en bonne relation avec quelqu’un et que je remarque quelque chose qui pourrait remettre en cause ma confiance : j’ai vu ce que j’ai vu. Par contre, je ne suis pas certain d’avoir bien interprété ce que j’ai vu.
Voici le comportement erroné que tu as adopté jusqu’ici : considérer que l’honnêteté c’est d’en parler immédiatement.
*Je respecte mes outils, quel qu’ils soient.
J’entends par « outil » ce qui me sert à vivre. Si j’ai besoin pour vivre de quelque chose qui me détruit, je dois apprendre à maîtriser ce besoin et non essayer de le supprimer.
*Si le monde est en totale contradiction avec moi, je dois me souvenir que je fais partie du monde et que je ne peux pas être en totale contradiction avec moi-même.
*Si je ne sais pas comment réagir, j’adopte le comportement des insectes : NON-ACTION.
*Je dois pouvoir différer la réaction (ne pas réagir tout de suite) tant qu’un comportement satisfaisant par rapport à mon éthique n’a pas été trouvé.
*Aucune politesse ni morale ne doit m’empêcher de faire ce que je dois. J’en accepte les risques.
Si je dois signer un engagement avec quelqu’un de chaleureux mais que je ressens comme malhonnête. Je ne signe pas, sauf si j’ai accepté consciemment l’éventualité d’être trahit.
*J’ai le droit à tous moments et avec n’importe qui de :
-ne pas répondre
-partir.
*J’accepte d’être morcelé.
Le monde est multiple et je le suis aussi.
Il y a le monde extérieur, le monde intérieur et MOI.
MOI est une zone intermédiaire en l’intérieur et l’extérieur.
C’est un lieu de négociation.
Rien ne peut entrer ou sortir sans l’autorisation de MOI.
Comme un roi au pied de son arbre MOI rend la justice.
*Si l’ordre de MOI est contraire à mon éthique, alors ce n’est pas MOI qui l’énonce. Je n’agis pas.
*J’ai dit que le régime politique à l’intérieur de moi devait être idéal pour moi. Le chef politique de la multitude qui me compose doit prendre des décisions non pas imposées par la force mais acceptées. Ça peut être une décision lourde de conséquences comme de couper un membre s’il menace d’infecter le corps entier. Mais si MOI a un doute alors je dois, pour l’instant ne pas agir, c’est à dire refuser l’ablation. Même si le monde affirme le contraire.
*Aucun accord n’est passé tant que tu n’as pas répondu.
Le « qui ne dit mot consent » des chrétiens est à brûler 7 fois dans leur bouche.
*Je ne dois renoncer à aucun besoin s’il est accessible (si je peux raisonnablement envisager de le satisfaire) et non-contraire à mon éthique.
*La peur est un indice comme un autre de ce que je vois, pense, ressens. Ni plus important, ni moins qu’un autre indice.
*Je peux changer d’avis à tout moment.
Je veux dire que je dois être capable de me rendre compte que je change d’avis, même si ça me paraît scandaleux, même si j’ai donné ma parole. Mon éthique doit être respectée.
*Je peux modifier mon règlement intérieur sans avoir à en référer à quiconque.
*Personne n’a le devoir de s’occuper de moi à part aux première années de ma vie. Je ne peux donc rien exiger de l’autre. Je dois négocier comme deux pays le feraient.
*Aucun contrat d’éternité n’est valable entre deux êtres humains.
Je ne dis pas que deux êtres ne peuvent pas s’être fidèles à jamais. Je dis que je n’ai aucun droit de l’exiger. J’essaye donc de trouver le moyen d’oublier qu’il pourrait me trahir et de maîtriser ma peur qu’il le fasse.
*Aucune rupture ne me tue. C’est moi qui décide de me tuer parce qu’il y a rupture, c’est à dire que je me suis formulé comme règle : « si cette personne me quitte alors je me tue ». J’ai le droit absolu d’intégrer cette règle à mon éthique et de la respecter mais je n’en ai aucune obligation transcendante (venant de l’extérieur, hors de ma volonté).
*Tu ne veux pas te tuer pour mourir mais pour que « ça » s’arrête.
« Ça » ’est une contradiction dans ton éthique.
*En cas de contradiction, tu as le droit de refuser de modifier les règles fondamentales qui compose ton éthique et te tuer si et seulement si tu as secrètement regardé en face cette contradiction de ton éthique et que tu as considéré que tu devais « éthiquement la maintenir ».
*Personne n’a le droit de m’empêcher de me tuer.
*Si je tente de me suicider pour influer sur quelqu’un ou engager sa responsabilité, c’est que je veux être sauvé, donc ce n’est pas mourir que je veux.
Dans ce cas, faire à nouveau comme les insectes, ne pas bouger et attendre que ça passe.
*L’autre a le droit d’interpréter mon comportement comme il le veut. Je ne dois pas être concerné par ce que l’autre interprète de mon comportement sauf si ça m’engage physiquement.
*Si je souffre de ne pas réussir à faire quelque chose que je dois faire, parce que je m’y suis engagé ou parce que la loi de mon pays m’y oblige, soit :
-je refuse de m'y plier et j’accepte les conséquences possibles (amende, prison, rejet du groupe, violence physique…), c’est à dire que j’ai déjà potentiellement choisi d’assumer la prison, la violence physique ou le rejet,
-je plie sous la contrainte et me soumets.
4. Corolaires (Donc :)
a
*Ce monde est violent, il frappe et cogne : tout énervement de ma part est un cadeau pour lui.
Je ne suis pas celui que je pense être, je veux dire que celui que je suis dedans et celui que voient les autres sont aussi différents que deux personnes peuvent l’être. Elles peuvent se ressembler par certains points et différer par d’autres. La seule différence est que ces deux personnes ne peuvent se séparer et qu’elles doivent toutes les deux obéir à MOI.
J’entends par obéir le fait que si je décide de toucher quelque chose de la main, mon corps physique devrait obéir. De même, je devrais pouvoir arrêter de penser quelque chose.
De là découle que je peux avoir peur en pensée et me sentir à l’aise dans le réel.
Haïr en pensée et aimer dans le réel.
Vouloir quelque chose en pensées et ne pas le supporter dans le réel.
b
*Personne ne peut être en moi, cela a plusieurs conséquences:
-Je peux penser ce que je veux, quand je veux, sans que personne ne le sache et n’ait à le savoir.
Les autres peuvent dire qu’ils savent ce qu’il y a en moi mais ils ne peuvent que le déduire par ce que j'exprime physiquement . (parole, expression du corps ou du visage etc.)
Je suis dans mes pensées chez moi.
-Je ne sais pas ce que l’autre pense, même si je crois le contraire, même si je le connais très bien. Je dois imaginer l’autre comme un bateau dans le brouillard, je suis moi-même un bateau et nous communiquons par cornes de brume. Je ne peux prendre en compte que ce qu’il me communique, que ce qui sort physiquement de lui.
-Si je refuse de montrer quoique se soit, l’autre décidera de ce qu’il voit par ce qui sort physiquement de moi à ce moment.
Un auteur dit : « on ne peux pas ne pas communiquer ».
-Si je choisis de ne pas exprimer, je n’ai aucun droit de reprocher à l’autre de ne pas me satisfaire.
-Si je choisis de ne pas dire, il est possible que je ne veuille pas ce que je pense vouloir.
-Je dois prendre le temps de mettre au courant les autres de mes pensées si je veux qu’ils les partagent.
5 Parallèle
*Tout moment problématique est un moment non-clarifié. J’entends par non-clarifié que je n’ai pas encore regardé en face.
Par contre, il n’y a pas plus de personnes claires que de quartiers maitrisés. Il n’y a que des quartiers pacifiés par la reconnaissance pleine et entière de tous ses membres.
6 La justice.
*La justice intérieure n’a aucun ordre à recevoir de l’extérieur.
*La justice intérieure à le devoir de négocier avec l’extérieur.
*Mon éthique et ma justice intérieure sont d’une importance supérieure à ma vie.
C’est pour cela qu’il est important que mon éthique soit secrètement décidée, afin que ça ne soit pas l’extérieur qui m’ordonne, ou me convainc, de donner ma vie pour Quelque Chose.
*Je n’ai aucun droit sur les vies autour de moi, quelles qu’elles soient.
*il y a toujours un contrat entre deux êtres humains qui se rencontrent.
Si les clauses de ce contrat ne sont pas exprimées, elles sont implicites, c’est à dire qu’elles fonctionnent comme des clauses qu n’ont pas été négociées officiellement. Les rapports de domination sont souvent de ce type.
*Il ne sera jamais légitime de me reprocher de ne pas avoir respecté une règle implicite (qui n’a pas été clairement exprimée et acceptée).
*C’est de la responsabilité égale des deux parties si une ou plusieurs clauses du contrat restent implicites.
*L’autre sait mieux que moi où il a mal.
Je sais mieux que l’autre où j’ai mal.
En conclusion :
(Ceci n’est pas une règle de morale)
A chaque objet que je vole, je visualise un nouveau vigile ; à chaque bien matériel que je détruis, je visualise un casque, un gaz asphyxiant, un peu plus de crédit pour la répression.