Artiste: William D. Drake
Album : Revere Reach
Sortie : juin 2015
Page : https://williamddrake.wordpress.com/
Label : Onomatopoeia Record
Page du label : https://onophonic.wordpress.com/hum/william-d-drake/revere-reach/
Mouton-note: [<3 ]
Support : CD
Auteur : CHFAB
Lien pour la pochette : https://williamddrake.bandcamp.com/album/revere-reach-2
Mots-clés pour catégorisation : Rock Avant-garde Alternatif
Psychédélique Folk Progressif de chambre
<br>William D. Drake est un artiste encore méconnu, ayant un
passif créatif pourtant déjà très conséquent, puisqu’il a officié dans
Cardiacs de 1984 à 1995 et a participé à de nombreux projets comme The
Sea Nymphs, Mr and Mrs Smith and Mr Drake, Nervous, Lake of Puppies et
en tant qu’invité (Rachel Goswell, Silver Ginger 5, Funki Porcini).
Voici donc son déjà sixième album (le premier étant sorti en
2003) : <i>Revere Reach<i> et c’est une pleine
réussite, composé de 13 titres, tous très inspirés, leurs formats
courts offrant toute une palette d’ambiances, contrastées et variées et
d’un niveau d’inspiration particulièrement élevé .
La musique de cet anglais, compositeur, chanteur et joueur d’Harmonium
(l’atout maître de cet album), est d’une profondeur et d’une
inventivité à vous toucher droit au cœur dès la première écoute.
Pourtant, sa voix est loin d’approcher les grands lyriques de
l’histoire du rock ; juste un petit grain dans la gorge évoquant
parfois Guy Manning, mais pas de registre virtuose, pas d’effet
technique propre à vouloir épater l’auditeur… Pas de démonstrations
instrumentales décoiffantes mais bel et bien une simplicité, un
dépouillement définitivement chaleureux, une humanité que l’on pourrait
qualifier d’universelle, quelque chose qui vous perce l’âme à jour, et
vous fait ressurgir à la surface tous vos souvenirs et votre mélancolie
enfouie. En écoutant ce disque, on croirait entendre un ami de
toujours, un soir au fond du pub de notre jeunesse, pour une veillée...
Ce n’est cependant pas la tristesse qui nous tient avec lui, mais
plutôt la joie ou l’espièglerie retrouvée des moments forts et émus de
notre passé. Un rock de chambre folk dans l’esprit, fleurant les
suburbs de Manchester, Liverpool, Dublin ou Glasgow, avec toutes ces
rues bordées de maisons ouvrières en brique rouge, se frottant aux
nappes sages et assorties des séances de thé et petits fours, ou ces
docks figés dans le froid et la pluie du soir, ou encore de longs
dimanches désœuvrés à la campagne…
L’harmonium contribue très fortement à susciter cette qualité
d’émotion, quelque chose d’ancien, de lancinant, d’ancestral même, qui
dialogue directement avec notre histoire intime, … D’autres instruments
acoustiques accompagnent ces hymnes, confidences, ou badinages, et qui
nous laissent à nu : clarinette, saxophone, flute, glockenspiel,
toy piano, pianorgue, scie musicale. Le rock et le progressif ne sont
pas en reste non plus, avec les batteries, basse, guitares et
mellotron. Le chant est enrichi de chœurs tous droit sortis de marins
attendris par la bière et le graillon (forcément), se moquant à
l’occasion du chien chien à sa mémère en rose bonbon ou vert pomme
(c’est ça aussi l’Angleterre !). Les mélodies et harmonies
s’imbriquent subtilement, se soulèvent et se transforment, avec une
très douce gravité, frôlant parfois l’inquiétude ou la tension, mais
toujours en demie teinte, d’une fluidité remarquable, et de chaque
instant. Chaque pièce en appelle à la suivante, sans que le temps nous
pèse, et dans un indicible sentiment…Rien de braillard, ni tonitruant,
tout juste la fierté de clamer qui l’on est, qui l’on était. Point
d’odeur de pisse, pas de vomi sur vos godasses, pas de gueulantes
réglées à coup de bouteilles cassées dans la jugulaire, pas de bobbies
à matraques surgissant dans le brouillard épais des mauvais tabacs,
non, car on vous l’assure, ici vous vous seriez trompé de
bistrot ! « Heart Of Oak » est un morceau qui
résume à lui seul toute la quintessence de cette musique, alliant hymne
debout sur la table, petit théâtre précieux aux rebondissements tout en
délice, et chorale ironique, le tout en moins de cinq minutes ! Ce
titre vous hantera encore longtemps, au même titre que de nombreux
autres. Les chansons (car c’en est bel et bien) de William Drake
déroulent ainsi tout un univers fantasque, mélancolique et poétique.
ému, bouleversé, amusé, c’est ainsi que nous laisse ce disque en tous
points magnifique, rejoignant la qualité extrême d’un Dave Willey And
friends par exemple (son accordéon offrant une couleur toute proche de
l’harmonium). On ne pourra que vous conseiller cette ode à l’amitié, à
la rêverie et au temps qui passe, au sourire dans des yeux humides. On
passera sur chaque plage, on essaiera même pas de décrire le pourquoi
du comment, car on risquerait de troubler la beauté à hauteur d’homme
et le ravissement qui règnent ici, car il s’agit d’un album qui ne peut
raisonnablement se ressentir que de l’intérieur. Les anglophones se
raviront de la qualité des textes…
Heureux ceux qui vont découvrir la discographie de monsieur D.
Drake ; tout un monde profond, rare et réconfortant les attend, à
commencer par ce chef d’œuvre, pas moins.
CHFAB