The Odd Gallant - AM
10/12/2105


Genre CD
Groupe The Odd Gallant
Album  AM
label  autoproduction (distribution CD Baby)
Année  2015
3/5
Formation en 1999
membres Guillaume Cazenave (chanteur, guitariste, programmateur, ingénieur du son, designeur pochette), Rémy Cazenave (bassiste), N.Edrudt. (batteur), Pierre Yves Marani (ingénieur mastering), Marie-Christine Bonnefleur et Nathanael Cazenave Bonnefleur (vocalistes additionnels)

site officiel:  http://theoddgallant.com/

Voici un projet quasi solo, assez pharamineux, même si, au final, l’impression d’une semi réussite demeure… Guillaume Cazenave donc, en activité depuis 1999, est aux commandes de ce premier volet (un diptyque étant prévu) en tant qu’auteur (textes, thèmes, propos), compositeur,  multi instrumentiste (guitares, programmation) et enfin interprête (chant). Rémy Cazenave (son frère?) tient la basse. Enfin, un troisième couteau est crédité au mastering: Pierre-Yves Marani, histoire de peut être dire que la mise en son tient aussi un rôle important dans ce disque, ce qui sera confirmé à son écoute.
Cazenave est un touche à tout; bordelais de naissance, il manie déjà plusieurs casquettes, en plus de celles décrites ci-dessus; il s’intéresse à la production, au graphisme, à la réalisation et au roman. Ouf! Un artiste complet somme toute?... Encore faut-il faire preuve de constance et de profondeur dans la multiplication des travaux… Nous nous attacherons à n’aborder que la musique ici présente, avant d’essayer de faire la synthèse exhaustive de cet artiste.

Autant le révéler d’entrée, le postulat de départ de ce déjà quatrième disque est très intéressant, puisqu’il est présenté comme une sorte d’expérience: décliner l’alphabet en musique, ici de la lettre A à la lettre M, comme l’annonce son titre. On pense inévitablement aux voyelles de Rimbaud, ou à l’abécédaire de Prévert, autant de supports que la mise en musique livrerait à une poétique débridée. Sur ce point le travail visuel et littéraire de ce disque s’incarnent parfaitement grâce au livret; copieux, stylé, inventif, et décliné dans une tonalité rouge vif. Un très bon point.
D’un point de vue musical, cette oeuvre apparaît d’emblée comme singulière, développant une ambiance étonnante, croisement improbable entre symphonisme orchestral, lenteur et musiques cycliques, décoration électro, et excentricité métallique qui n’est pas sans évoquer Devin Townsend ou Mike Patton.

Cazenave égraine ainsi de son voile de gorge chaleureux ou caressant des séries de mots, déclinant de la façon la plus large possible toute la complexité de notre état d’humanité. Sur le papier, ça marche très bien, on croirait reconnaître les explorations phonétiques et rythmiques d’une langue (ici l’anglais) qu’un Gainsbourg a su si bien magnifier… Le résultat est pourtant mitigé malgré l’investissement de son auteur, dû à une mise en son de la voix un peu cotonneuse, en retrait pour ainsi dire, et fait accentué par une prononciation un peu imprécise. Dommage, car sur ce point on se doit, d’autant si c’est dans une autre langue que la sienne, d’être irréprochable; la diction se doit d’être précise, si ce n’est incisive, et méticuleuse, en un mot tout doit être entendu. Peter Hammill, par exemple, est un mentor indiscutable en ce domaine. Dommage vraiment car on attendait du coup beaucoup de ce travail, entre vocabulaire, phonétique et sens, si plein de promesse, et qui augurait de jeter sur nos canons musicaux préférés une lumière un peu neuve. On en est cantonné à tendre l’oreille, voire scruter le livret mesure après mesure. Plutôt contraignant.

Ceci étant dit, et les amateurs de textes dans la musique progressive étant finalement rares, on peut choisir de se focaliser sur la musique et seulement. De ce point de vue, le rendez-vous est plus qu’honoré, tant on y constate un soin permanent des arrangements, de la variété des mélodies, du soin des ambiances, convoquant toute une palette de sons (piano, cordes, cuivres, Hammond, nappes fantômatiques) et d’influences; Kurt Weil pour le chant et la lenteur, Pink Floyd pour les soli de guitare et l’esprit psyché, en plus de celles évoquées plus haut. Un sentiment tout particulier s’échappe de AM, nous faisant naviguer à la fois dans l’intime et le grandiloquent, réunissant des éléments simples dans leur évolution, truffés de petits breacks samplés (on pense à Regal Worm, mais de loin), et le tout majoritairement recouvert d’un manteau d’opéra… Les rythmiques sont un peu sages, adoptant jusqu’au bout un mid tempo qui: soit vous donne l’impression d’un seul long et beau voyage, soit d’un d’immobilisme peinant un peu à convaincre sur la durée. Pour ma part, je penche pour la seconde option, tant finalement ces compositions auraient mérité plus de contrastes, de tempo différents, d’accélérations ou d’aération en fin de compte. Pour tout dire, passé un certain temps, on ne sait plus tout à fait où on se trouve dans l’oeuvre, et vous serez bien embêté de devoir la reprendre dans ses détails, tant il sera difficile de distinguer telle pièce d’une autre. La constance sytlistique devenant son propre défaut en quelque sorte...Alors peut être que voir trop grand peut conduire au vertige, un effet qui non maîtrisé peut noyer l’auditeur.
Il est sans doute encore un peu tôt pour juger pleinement de ce travail, au demeurant remarquable par son ambition, sa personnalité, et son fourmillement de détails, car la suite et fin est à paraître, inévitablement intitulée NZ, et qui éclairera (ou non) ce premier opus d’un sentiment d’achèvement. Saluons quoiqu’il en soit ce disque très honorable et franchement prometteur.

rédigé par CHFAB

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