06 02 10
THE DAEDALUS SPIRIT ORCHESTRA – Ampulla Magnifying
http://www.myspace.com/dsorchestra
Label: Musea (Prog-Pulsion, Syn-Phonic, The Laser's Edge, Alien
Prod)
France
2010
Tracks:
01- Visper Aiyo (19:45)
02- Shambles Start An End (08:59)
03- Azucerado (05:08)
04- Sloganeering (10:23)
05- Unrelentingly (09:10)
06- Crosstalk (07:28)
07- The Clockwork's Marching Along (06:17)
08- Parallel Convergent (03:50)
09- Askance Relief (07:52)
Band Members:
Eric Lorcey: Vocals, Guitar, Effects
Cécile Alves: Keyboards
Lise Cantin: Flute, Vibraphone
Colin Gentile: Bass
Christophe Cordier: Drums
Guests:
Romain Medioni: Didgeridoo
Natacha Vermeulen-Perdaen: Harmonica
Tomaz Boucherifi-Kadiou: Bombard
Un labyrinthe dont on hésitera encore longtemps à chercher la sortie...
L'Ile de France est, depuis quelques temps déjà, une terre franchement
nourricière pour le progressif français ( XII Alfonso, Nemo, Sensitive
To Lihgt, Vox Nostra...) et cela ne semble donc pas près de s'arrêter
avec la formation que voici.
Rock, jazz-rock, zeuhl, latino, boucles et motifs répétitifs, accalmies
analogiques, frénésies électriques, ruptures étourdissantes,
développements ambitieux, constructions éclatantes, architectures
modernes réconciliant angles et arrondis, traversée d'opacités et de
lumières, jeux de miroir...voilà à peu près le menu diablement
séduisant proposé tout au long de ces 1h 10 de musique aventureuse.
Le quintette est mené (emmené serait le mot juste) par ERIC LORCEY,
compositeur, arrangeur, chanteur multi- vocaliste, auteur, et
guitariste, rythmique comme soliste.
Il chante en anglais (avec un accent tout à fait honnête, à défaut
d'être irréprochable) des textes évoquant la désillusion, l'emprise du
temps ou de la dépendance sur le mental comme sur le physique, usant
d'un vocabulaire puissamment poétique, très maîtrisé, très emprunt
d'amertume. Et cette prose vertigineuse (le livret est copieux) jalonne
ainsi à l'envie chaque pièce de choeurs très pertinents, faisant montre
d'une palette expressive assez importante dans le chant principal (
aigus, mélopées, déclamations susurrées et gutturales, effets),
cependant, loin d'avoir une voix de véritable tenor DORCEY n'en reste
pas moins au service d'une inventivité mélodique superbe, très
étroitement liée à chaque tonalité, qu'elle soit atonale ou harmonique.
Sa guitare au son rugueux et acide, mixée au cœur des instruments (le
son de cet album s'avère très organique, malgré un rendu sonore un peu
imparfait, car mat et un poil sec) assure des rythmiques de soutient,
sachant se faire accoustique ( « Azucerado »,magnifique
ballade sud américaine, devenant peu à peu progressive de par ses
arrangements) tout en sachant asséner régulièrement des riffs
trépidants, et en s'appropriant par-ci-par-là des solis formidables,
tantôt incandescents, tantôt majestueux et coulés. Ces solis se font
parfois attendre, certes, mais leurs apparitions n'en sont que plus
jubilatoires...
Les claviers ne font pas étalage de vélocités ostentatoires, de
bavardages démonstratifs, et semblent plutôt vouloir se faire oublier
(toujours au service des compositions) pour mieux nous régaler plus
tard de quelques arabesques et arpèges, synthétiques ou
analogiques. Les moments de suspensions sont dominés par ce son
merveilleux de FENDER RHODES, dont les délicieux rapprochements avec le
vibraphone ne sont plus à démontrer depuis déjà fort longtemps.
La flute, quand à elle, souligne constamment les thèmes
développés, en toute humilité, contribuant à la pâte toute
personnelle de THE DAEDALUS SPIRIT ORCHESTRA, s'avérant ainsi une
composante indispensable.
Le travail de la batterie est excellentissime; très jazz, tout autant
que rock, très libre, très prolixe, nuancé, riche, généreux (dont la
sonorisation pourtant représente un bémol certain, notamment pour
le son de la caisse claire, très mat, assez étouffé, et un peu
casserole d'entrée de jeu). On sent véritablement à cette occasion
l'influence prépondérante de BILL BRUFORD, sans pourtant que le mixage
n'en sache donner toute la pleine mesure. Ceci dit, cela s'oublie bien
vite, et c'est toute la musique et son écriture enthousiasmante qui
prennent le dessus.
La basse est un solide pilier, plutôt sobre, parfois funk, bref, un
partenaire idéal.
On applaudira aussi aux interventions régénératrices d'un santour, d'un
harmonica, et, ô merveille, d'une bombarde, respectivement selon les
pièces proposées.
Bref, tout est prenant de bout en bout...
J'ai pourtant découvert, de la part de quelques confrères, au grès de
leurs papiers, un accueil d'une grande sévérité à l'égard de la
production du CD...
Oui, c'est vrai, on sent une mise en son un peu datée, très
« années 80 » coincée entre les aigus un peu secs des
percussions, et un manque de spacialisation, de rondeur, de souffle, de
basses ronflantes. C'est un peu à plat, plutôt en 2D, et non 3D comme
ce que peut offrir la technologie moderne. En fait, on finit par
s'apercevoir que ces quelques défauts apportent à l'ensemble, et cela
est appuyé par les développements et enchevêtrements musicaux, une
texture très organique, soutenue par des bruitages concrets, qui
s'avère débordante de vitalité.
Et puis au fond, cela semble davantage relever d'un manque de moyens
(la musique est un média qui coute cher, car procédant de plus en plus
de techniques de pointe, dont les exigences ne permettent pas
l'utilisation d'appareils bas de gamme...cela s'entend
immédiatement...hélas).
Tout ça pour dire que certains (une fois de plus) privilégient encore
la forme au fond.
Comment pourtant ne pas louer les très grandes qualités d'une telle
musique;
inspiration débridée, ambiances nombreuses, très habitées, cassures,
tensions, moments contemplatifs, thèmes récurrents, rythmiques
fouillées, le tout réconciliant grande exigence, vrai travail
mélodique, complexité, et plaisir immédiat...que dire de plus?
Un tour de force à saluer.
Un grand groupe vient de naître dans notre hexagone.
Longue vie!!!
CHFAB
4/4