STORM CORROSION – Storm Corrosion (avril 2012)
http://stormcorrosion.com
Label : ROADRUNNER Records
Angleterre/Suède
Track List :
1- Drag Ropes (09 :50)
2- Storm Corrosion (10 :07)
3- Hag (06 :27)
4- Happy (04 :52)
5- Lock Howl (06 :09)
6- Ljudet Innan (10 :18)
Line-up :
Steven Wilson and Mikael Åkerfeldt : Composition, Guitars, Vocals,
Keyboards, Programmings, Percussions
« Beauté, laideur et discorde »
Dire que cet album était attendu est un euphémisme, tant cette
formation inédite, créé par deux des têtes de pont du progressif
moderne, j’ai nommé Mr (feu ?) Porcupine Tree et Mr
Opeth…chacun venant récemment de produire un album majeur dans son
domaine. Deux compères complices depuis le début des années 2000, ayant
déjà collaboré en studio, le premier étant au service du second. Cette
fois-ci, le jeu, la composition et le mixage sont à égalité, pour une
œuvre conçue comme la troisième facette de leurs 2 album respectif
(Grace For Drowning et Heritage ). Et l’on peut dire que cette œuvre
finale n’est pas des moindre, se radicalisant un peu plus encore.
Ainsi, la dimension symphonique y a été employée à l’extrême, se
défaisant nettement du registre métal et rock. Par cela, j’entends la
dimension saturée et rythmique. Dans Storm Corrosion, la batterie a
quasiment disparu, et les coups de boutoir de guitare aussi. De quoi
être désorienté, vous me direz. Certes, mais le plaisir consommé de la
surprise a toujours représenté l’essence même des musiques
progressives, n’est-ce pas ? C’est donc à une immersion totale que
nous ont convié les deux artistes. Ici, plus que jamais le temps et
l’espace ont élu domicile, pour un voyage d’une richesse, d’une
finesse, d’une noirceur et d’une nuance particulièrement prenante. Et
le fil des écoutes le confirme indubitablement, il s’agit là d’une
œuvre à part entière, comme on pourrait présenter un tableau, une
sculpture ou un film. On y côtoie les grands compositeurs du vingtième
siècle, entre musiques figuratives, classiques et concrètes,
charpentant le tout d’une belle dose sou jacente de RIO gothique
(évidemment) et de modal (musique antique).
La pochette, superbe, rappelle les visions saisissantes de Jérôme
Bosch, explorant sentiments et comportement humains, de la beauté à la
laideur, avec une certaine fascination pour la discorde. Tout s’y
ressent imbriqué comme dans une pelote sonore dont on cherche, à chaque
écoute, à suivre les fils…De leur propre aveu, Wilson et
Åkerfeldt ont appréhendé (pourtant de façon très spontanée, et sans
préparation du coup) leur travail comme un univers ambitieux et
captivant, invitant l’auditeur à prendre le contrepied de ce à quoi il
aurait pu s’attendre. Une démarche audacieuse, inhérente (en principe)
à tout processus créatif. Donc, évidemment, point d’évidence de
refrain complice, de structure régulière (la pop n’apparaissant qu’en
filigrane), de solo de guitare de rigueur (quoique), et peu de
claquements de doigts (tout de même Hag et Lock Howl)… Ici, tout
est introspectif, spirituel et trouble, fondamentalement psyché
finalement, et l’on y cherche, comme à cette époque charnière de la fin
des années 60, à repousser un peu plus les cadres de la perception,
quelque velléités krautrok en plus. Car il faut rappeler qu’il s’agit
d’une œuvre d’approche tout à fait symphonique, lente, presque
apaisée et terriblement poignante. Åkerfeldt y chante parfois avec une
voix très dépouillée (tant mieux), et distille des arpèges et méandres
de folk fascinants. Quand à Wilson, il chante ici comme jamais, ayant
enfin véritablement une voix, une vraie, tout à fait personnelle,
délestée de tout artifice. De plus chaque instrument apparait plus que
jamais nu, dans une économie de moyens tout bonnement rare, loin des
tapages actuels. Le temps et la science du développement y sont
pratiqués à l’extrême.
Le son est extraordinaire (pas étonnant), souvent sans artifices, et
les quarante minutes passent comme une ombre sur cette terre des
hommes, en ces temps funestes... Vertige, luxe, volupté…
Une splendeur…
4/4
CHFAB