STEVEN WILSON – Grace For Drowning (sept 2011)
http://gracefordrowning.com
label : Kscope
Angleterre
Track List :
Volume1 - Deform To Form A Star
1- Grace For Drowning (2 :00)
2- Sectarian (7 :45)
3- Deform To Form A Star (8 :00)
4- No Part Of Me (5 :45)
5- Postcard (4 :30)
6- Raider Prevale (2 :30)
7- Remainder The Black Dog (9 :30)
Volume2 – Like Dust I Have Cleared From My Eye
1- Belle De Jour (3 :00)
2- Index (4 :45)
3- Track One (4 :15)
4- Raider II (23 :15)
5- Like Dust I Have Cleared From My Eye (8 :00)
Line-up :
Steven Wilson : Voice, Keyboards, Guitars, Programming, Effects
Guests :
Robert Fripp : Soundscapes
Steve Hacket : Guitar
Tony Levin : Bass
Nick Beggs : Bass
Trey Gunn : Bass, War Guitar
Theo Travis : Saxophone, Flute, Clarinet
Jordan Rudess : Keyboards
Nic France : Drums
Dave Stewart : Conduction of London String Orchestra and Choir
« Ascension dans les Tréfonds »
C’est le souffle coupé que j’avais découvert les quelques miettes
d’intros distillées par le sampler qui annonçait la parution
imminente du nouveau double album du maître…Et je n’ai toujours pas
repris ma respiration… ! Faut-il encore présenter le prodige
(prodigue?), et le mystère qui entoure sa boulimie créatrice, en plus
de son incommensurable talent ? Respectivement: mister KARMA
(groupe de jeunesse), NO-MAN, PORCUPINE TREE, BLACKFIELD, BASS
COMMUNION, CONTINUUM, Incredible Expanding Mindfuck (IEM), ainsi que
l’incroyable metteur en son des FISH, MARILLION, PAATOS, OSI, ANATHEMA,
OPETH, ANJA GARBAREK, et j’en passe toute une palanquée !...STEVEN
WILSON, messieurs et dames ! Un jeune homme (44 ans) à la carrière
et l’influence aussi marquantes qu’un ROBERT FRIPP ou un PETER HAMMILL
en leur époque, pour faire très (mais alors très !) court…
Progressif ? Expérimental ? Trip Hop ?
Folk Gothique? Métal Pop ? Sans doute est-il loin d’avoir
inventé tous ces mouvements (encore que le trip hop… ?), mais il
en a indéniablement prolongé les saveurs, avec cette touche si
profondément mélancolique, ces chœurs splendides magnifiant la voix
d’un chanteur qui pourtant n’en a jamais eu tant que ça (de la voix),
cette aisance miraculeuse à pondre à l’envie des petits chefs d’œuvres
d’art pop , tout comme à déchaîner sa fantaisie en de longues pièces
d’une puissance parfois effrayante, le métal ayant fini par gagner sa
fièvre, enfin cette incroyable faculté à arranger, sculpter la musique
et les sons, dans la lumière et le ciment, l’or tout autant que le
charbon… La crème des musiciens ne s’y est pas trompée, et nombreux
sont ceux qui se sont bousculés à sa porte…Bon, je m’arrête, on dirait
que je me livre à une nécrologie là…
WILSON, mort ? Et bien, à l’écoute de cette grande œuvre au noir
qu’est GRACE FOR DROWNING, cette cathédrale de clair obscur, cette
extraordinaire artefact, entre l’épaisseur ténébreuse des architectures
romanes, et les vitraux immenses et légers du gothique, jamais le
musicien n’a paru aussi…vivant !
Jamais la dentelle n’a paru si aérée, cristalline, lumineuse, l’émotion
si prégnante, les abysses si insondables, et les charges de forge si
violentes…Pourtant, et c’est la grande surprise de ce double CD, point
de métal en vue (ou si peu), et une place toute relative aux
guitares ! Et j’ai annoncé un disque puissant ? Comment cela
est-ce possible ? Et bien, c’est là que je n’en finis pas
d’admirer la démarche artistique de cet anglais de trois ans mon aîné
(dont je pensais pourtant commencer à entrevoir les limites, sur
« Fear… », sur «Schoolyard Ghosts », sur
« DNA »), c’est tout d’abord parce qu’il est un artiste qui
fait encore le choix d’aller de l’avant. Il L’a dit récemment
lui-même : le métal, j’en ai fait le tour… Il a aussi déclaré à
quel point ce disque représentait ce qui lui était le plus personnel,
son projet le plus important à ce jour. Et donc le voici penchant
nettement vers…le Jazz !!!
Oui, vous ne rêvez pas ! Et pour réaliser ce prodige, il s’est
entouré d’une fine fleur de musiciens aguerris à l’impro en tous sens,
jazz comme rock (la liste est si vertigineuse que je ne peux que vous
conseiller de la consulter au bas de cette page) : des sax, de la
flute, de la clarinette, du vibraphone, des cordes, des accords
harmoniques jazzy, du piano quasi partout(I:7), des orgues en
veux-tu-en-voilà, des plans hyper feutrés, avec groove diaboliquement
subtil (batterie de folie), des digressions instrumentales à tomber
raide, et ça joue !... Nom de Dieu !…Ce disque est une somme,
avec toutes les facettes du gars, déjà plutôt nombreuses, bien sûr,
mais tout en ouvrant de nouvelles portes vers des univers encore
inexplorés par lui…
Des chœurs à vous faire frémir (une chorale !), des accents de
piano sublimes de mystère (I :6, II :4), du trip hop hybride, précis et
classieux (II :2), des séquences de « free » folles
furieuses (I :7), des chansons dépouillées ou simples, à la beauté
inimaginable (I: 3,5), et sans aucune velléité consensuelle, des
arpèges de guitare folk, classique (inédit) et douze cordes (un peu
partout), des zones purement progressives (trop dur de les décompter),
des épanchements à nouveau psychédéliques (un grand retour dans ce
disque), de la nuance, des trésors de subtilité, des plages de miel
paradisiaque (I: 1, II: 1,5)…La tentation de vous faire le détail de
chaque pièce est irrépressible, mais c’est à un pavé auquel il faudrait
se livrer pour en rendre justice…Et à n’en pas douter, ce sont
définitivement les late 60s-début 70s qui sont à l’honneur… On s’y
plait aussi très rapidement à reconnaître les spectres du KING CRIMSON
des débuts (sonorités, harmonies jazz et modales, rythmiques,
contrastes, déchaînements, en particulier pour la pièce maîtresse
« Raider II », véritable raz de marrée), WILSON lui-même
ayant effectué les derniers remixages des tous premiers albums de la
bande à FRIPP, leur impact résonne ici comme indubitable, et puis il y
a du GONG aussi(les soli magistraux de Theo Travis), du SOFT MACHINE
(plans et sonorités) et autres canterburistes de tout poil, en passant
par le KRAUTROCK, pour les traversées les plus abstraites et spatiales,
voire même de la musique ZEUHL…
Et du mellotron à tous les étages (toutes les déclinaisons
mellotron : flutes, chœurs, vents, cordes), de l’orgue Hammond
(nappé comme soliste), et tant de merveilleux effets analogiques… Le
souffle coupé, je vous dis…
Les plats de résistance sont légions (I: 2,4,7. II: 4), parfois
instrumentaux, et s’avèrent d’emblée être des classiques d’un
progressif absolument intemporel… Le disque se décline en deux parties,
comme on explorerait une œuvre complète, dont les deux volets seraient
en miroir l’un de l’autre, absolument inséparables (« Raider
Prelude » dans le premier volume, « Raider II » dans
l’autre), deux arcs boutant profondément opiomanes et néanmoins
irradiés de lumière… Je ne m’avance pas trop en gageant qu’il y aura un
avant et un après, avec ce disque, comme une borne temporelle, qui j’en
suis sûr va faire date…
Je n’ai pas peur de le dire : voici LE chef d’œuvre schizoïde du
vingt-et-unième siècle… (Désolé, Denis, je n’ai pas pu faire
court !)
Dois-je continuer ?
CHFAB
4/4