SALIM GHAZI SAEEDI- Iconophobic -2010
http://www.salimworld.com
Label : Salim Records (autoproduction)
Iran
Track List :
1- Composer’s Laughter (01 :26)
2- A Satire On Hell (03 :01)
3- And My Heart Aches Like 100 Aching Hearts (02 :13)
4- Asiyeh (03 :01)
5- The Songful Song Of Songbirds (03 :35)
6- Transcend Ecstasy (03 :37)
7- Don’t You See The Cheerful Rainbow ? (03 :19)
8- Music Is Haram (03 :00)
9- Dance In solitude (02 :59)
10- Eternal melancholy Of Loving Women (01 :17)
11- Give My Childhood Back (03 :32)
12- Breast-Milk (03 :14)
13- I Am Beautiful, Are You Beautiful (02 :59)
Line-up :
Salim Ghazi Saeedi : Composition, Keyboards, Guitars, Programming
« Music is resistance ? »
Voici un CD qui ne s’est certainement pas développé sans une certaine
difficulté, d’ordre pratique comme politique (voire religieuse),
puisqu’il nous vient tout droit d’Iran…Deuxième incursion (à ma
connaissance) de notre musique de prédilection en terre mésopotamienne
(Tigre et Euphrate, touchant Iran et Irak)…
Aux vues des péripéties éprouvées par MAVARA, autre formation
venue de ce pays, invitée au Crescendo pour l’édition 2010, on imagine
(à peine) les complications en terme de clandestinité (la musique libre
est un péché en territoire intégriste, quel qu’il soit) ;
difficulté de se procurer des instruments modernes (qui les vent
là-bas ?), d’écouter de la musique européenne (classique, jazz,
rock, etc…) ou autre, quasi impossibilité de dénicher un studio de
répétition (la musique électrique, ça fait du bruit, et l’on est jamais
à l’abri d’une dénonciation de voisinage), impossibilité de promotion
(mais ça, avec le prog, on connait déjà !), bref, le travail de
l’artiste, dans ces conditions, relève d’une certaine part d’héroïsme.
Je conseille d’ailleurs à tout le monde de découvrir ce film
documentaire très réussi intitulé « Les Chats Persans »,
relatant tout ce qui vient d’être évoqué, où comment faire du rock
garage au pays des lapidations…Ce n’est pourtant pas le premier effort
de ce musicien d’avant-garde, mais plutôt le quatrième (un autre est
sorti depuis, en 2011)
Si je parle de tout ça, ce n’est pas tant pour plomber nos
préoccupations dérisoires, mais plutôt pour évoquer le cœur même de ce
disque, entièrement produit, contrôlé, composé et interprété par SALIM
GHAZI SAEEDI, et témoignant de son ressenti, de sa vigilance
intellectuelle et émotive, bref, son témoignage intime sur la vie, son
regard affuté sur la médiocrité des humains en général, à l’image de ce
gros plan rétinien figurant sur la pochette du disque. Mais venons en
au fait, et parlons musique, maintenant !
A l’écoute des premières mesures d’ICONOPHOBIC (titre particulièrement
pertinent pour le contexte), mes impressions ont été tout d’abord
un peu mitigées… Des instruments classiques synthétiques, une basse de
même, et une rythmique programmée, des bruitages réalistes parsemant
tout l’album, pour une sorte de ROCK IN OPPOSITION d’obédience très
symphonique, des séquences narquoises, turbulentes, saucissonnées, se
succédant sans cohérence apparente, pour un disque entièrement
instrumental…
Tout ceci semble dérouter, mais c’est sans compter sur le travail du
garçon, dévoilant au fur à mesure des arabesques (pas pu
m’empêcher !) de guitares au son tantôt acide et saturé, tantôt
clair et dépouillé, entre les méandres des claviers orchestraux.
On assiste au fond à un mélange tout à fait réjouissant et personnel
d’influences classiques, atonales (CRIMSON en tête, évidemment), et
orientales (toujours les guitares) dans un esprit très rock de chambre
belge (Présent, Art Zoyd, Aranis etc…). The Enid version RIO ?
Oui, on peut dire ça, la grandiloquence en moins. Ce qui ne veut pas
dire que c’est inaudible, non non, intellectuel sans doute (le travail
a été essentiellement effectué dans un esprit impressionniste,
jusqu’aux titres des morceaux), mais pas abscons. Les séquences sont
variées, envoutantes (une certaine langueur plane), alternant passages
troubles et plages harmonieuses, finalement évocatrices d’une œuvre
sonore très cinématographique, prolongeant un passé musical (les
polyrythmies iraniennes !) et poétique plus que séculaire.
Bon, pour être honnête, je vous avouerai que ce CD était destiné
d’emblée à ne pas faire partie de mes incontournables de l’année, mais
qu’il a fini par m’avoir au tournant, et je tenais à saluer cette
musique, son créateur, et le style qu’il met en place : une sorte
de kitchen prog plutôt classieux…faut déjà le faire ! On
pourrait reprocher à GHAZI SAEEDI d’avoir tout fait tout seul, au
détriment d’une puissance d’exécution dont un véritable groupe et
orchestre aurait fait preuve, mais on imagine aussi les difficultés
pratiques et politiques que cela aurait auguré que de réunir tout ce
monde en Iran…
Certes, cette musique ne se dévoile pas avec l’évidence que l’on
serait en droit d’attendre d’elle, mais quoiqu’il en soit, les plus
ouverts (et patients) d’entre nous serons certainement
récompensés par ces mélopées et contrepieds insaisissables, ponctués ça
et là par de sacrées saillies de guitares frippiennes !
Singulier et vraiment intéressant.
CHFAB 3/4