Artiste: Rikard Sjöblom
Album : The Unbendable Sleep
Sortie : 2016
Page : http://rikardsjoblom.com/
Label : Gungfly Productions
Page du label : autoproduction
Mouton-note: [ :-| ]
Support : CD
Auteur : CHFAB
Lien pour la pochette : http://www.progarchives.com/album.asp?id=51121
Mots-clés pour catégorisation : classic rock, pop
Les prousesses de Bearfish, quatuor suédois de prog 70s pur jus ne sont
plus à présenter, ni même Gungfly, au rock toujours chanté mais plus
direct. Pour la deuxième fois ici (déjà un premier album instrumental
intitulé Cyclonmannen sorti en 2006) leur
chanteur-auteur-compositeur-multi instrumentiste publie sous son seul
nom, et se livre à huit morceaux d'inspiration toujours aussi vintage,
de par le choix des instruments et des harmonies qu'il affectionne
tant, mais pour un propos davantage dépouillé, et d'obédience plus
mainstream, pour une bonne moitié au moins du disque.
On connaît son talent pour les mélodies rafinées un rien soul-blues,
son chant ad-hoc chaleureux et très séduisant, son sens renversant pour
des compos très élaborées mais fluides, ainsi que des arrangements
toujours hyper soignés, ne démentant jamais l'héritage scandinave, plus
solaire cependant que celui de l'école du renouveau des 90s. A cela
rajoutons un talent déconcertant pour les guitares et claviers qu'il
maîtrise tout autant magnifiquement (ceux qui l'ont vu sur scène savent
de quoi il retourne); technique, nuance, force. Mais la barre a été
fixée si haut avec ces deux principaux projets, Bearfish demeurant une
référence désormais incontournable, qu'à l'écoute de ce The Unbendable
Sleep on reste un tantinet sur sa faim... Il semblerait (peut être à
tort) qu'il ait ici choisi de s'adresser au plus grand nombre,
simplifiant à l'extrême la trame de ses compositions, brandissant haut
et fort le canon couplet-refrain. Des chansons avant tout, semble-t-il
annoncer, et de fait pourquoi pas?...Il a déjà su faire...
Le premier morceau d'ouverture emprunte, chant compris, au pop rock
radieux le plus ouvertement classique. Plutôt déconcertant... Le
second, d'une couleur mineure mais un peu plus élaborée, enchaîne à peu
près dans la même veine... La suite alternera avec une ou deux pièces
plus ambitieuses, plus longues d'ailleurs (on ne se refait jamais
totalement, bien que longueur ne soit jamais gage de réussite) entre
rocks, chansons enlevées et ballades, simples et directs. Faciles
diront certains... En ce qui concerne le travail visuel la pochette de
cet album est l'ouvrage du même illustrateur que pour l'oeuvre solo
précédente, Bernt Daniels, pour une peinture-collage de paysage urbain,
d'inspiration avant-guerre. Très réussi, fourmillant de détails
paradoxalement incertains... A l'image du propos? Les sujets chantés
abordent toujours cette teneur intime et autobiographique dont nous a
habitué le suédois; introspection, observation en miroir du quotidien,
douce ou amère ironie... Côté mise en son c'est comme à son accoutumée
un travail exemplaire, pour ne pas dire excellent, mais avec un tel
passif (au bas mot douze albums) on ne pouvait s'attendre à
moins.
Alors pourquoi une telle direction musicale, et pourquoi apparaître
sous son seul nom? D'après ses dire Gungfly (son projet le plus cousin
du disque) est devenu l'affaire d'un vrai groupe, aux intentions
véritablement collectives. Sjöblom a également rejoint l y a peu le
groupe de néoprog anglais Big Big Train, ce qui revient, avec
Beardfish, à trois projets de groupe donc. D'où le besoin sans doute
naturel de faire véritablement cavalier seul à un tel moment de son
parcours, ainsi que de se démarquer un tant soit peu de la sphère prog,
sans doute, souvent si typée. Pari à moitié réussi serait-on tenté de
dire...
Evidemment, une fois de plus on ne manquera pas d'apprécier ses grandes
qualités d'arrangeur orfèvre, seulement épaulé qu'il est d'une
section rythmique en invitée (deux bassistes, un batteur); chant très
sincère, habité et sobre (même si cette fois moins assuré),
<i>song writing</i> hyper habile, riffs ultra efficaces,
accompagnements délicieux à la folk, digressions subtiles à l'orgue
Hammmond, ou au clavinet, humeurs variées et sens du groove (une
incursion funky discoïde sur «Anna Lee»), interlude charmant à
l'accordéeon, et pièces aux digressions ambitieuses mais somme toute
dominées par des lignes un peu fades. Difficile dans son ensemble de
faire sortir un morceau du lot, l'un chassant l'autre sans que la
mémoire s'y attarde... S'installe peu à peu l'idée qu'un tel artiste
peut et sait faire mieux, comme il l'a tant prouvé jusque là. Gageons
que les amateurs profonds de Beardfish passeront sans doute leur
chemin, tant ce menu leur apparaîtra un peu simpliste. Heureusement
(pour lui) tout auditeur et mélomane n'est pas forcément mu par cette
seule et même exigence...
Passé cette impression de relative circonspection, on ne manquera pas
de se glisser dans la peau de celle ou celui qui découvre cet artiste
pour la première fois, on l'enviera même peut être, et nul doute que
l'enthousiasme emportera certains tant on navigue néanmoins en des eaux
claires et qualitatives. Conclusion, pour réconcilier les deux camps:
The Unbendable Sleep est un album sympathique, clair et
raffraîchissant. C'est aussi sa limite.