Artiste: Gong
Album : Rejoice I'm Dead
Sortie : 16 septembre 2016
Page : http://www.gongband.net/music/rejoice-im-dead/
Label : http://www.snappermusic.com/
Page du label :
Mouton-note: [ <3 ]
Support : CD
Auteur : CHFAB
Lien pour la pochette : http://www.gongband.net/music/rejoice-im-dead/
Mots-clés pour catégorisation : space eclectic avant prog rock
Gong est mort, vive Gong! C'est ainsi, certainement, que le très
regretté Daevid Allen (père historique fondateur de ce qui deviendra
sans son concours l'école dite de Canterbury) aurait lui-même démarré
cette chronique. C'est également le titre d'un des nombreux live de
cette planète musicale qu'est Gong, fondée en 1969, maintes fois
renouvelée et toujours en vie à ce jour! Mais saurait-il en être
autrement? Rappelons que le cancer (<i>You can kill my body,
babe, but you can't kill me</i>) n'avait pas permis à l'artiste
d'achever la tournée de 2015, ni encore moins de vivre, laissant Kavus
Torabi (Kardiacs, Guapo, Knifeworld) aux commandes, lui qui avait déjà
participé à l'album précédent (<i>I SeeYou</i>), et
qu'Allen avait officiellement intrônisé dans <i>Romantic Warriors
III</i>, indispensable DVD narrant l'épopée canterbury. La boucle
était bouclée d'avance... On y voyait Daevid, le visage marqué mais
incroyablement rajeuni du fait de ses cheveux coupés et de sa
barbichette absente, annoncer le recrutement de Torabi (l'histoire nous
dira que tout s'est décidé sur une simple conversation lors d'une
soirée, sans que la moindre note n'ait étée entendue)... Le coeur nous
en serre encore... Restera à jamais cette image de lui, en tenue
cosmique, tenant cane à l'anglaise, face à l'océan, immobile, stoïque
face au silence... Inoubliable et persistant, jusqu'à sans doute notre
propre dernière heure... Bienheureux ceux qui témoignèrent de la
présence des deux musiciens en 2014, et à ce propos, une publication en
serait la bienvenue, video ou audio, pour tous ceux qui ne purent y
assister... <br><br>
En attendant voici donc ce Gong nouveau, sans le maître donc (mais
c'est loin d'être la première fois), dont la voix apparaît cependant à
deux reprises, discrètement, presque l'air de rien, ce qui déclenche
beaucoup d'émotion, évidemment, car c'est fait avec goût, et une grande
dignité. Ce disque est aussi épaulé à l'occasion par Didier Malherbe,
Steve Hillage, et Graham Clarke, histoire d'enterriner le passage de
sceptre. N'est pas Gong qui veut, non plus! On connaît déjà l'immense
talent de Kavus Torabi, son jeu de guitare incroyable, son toucher, ses
textures psyché-stoner, sa versatilité, sa voix claire et simple, ses
qualités de compositeur et d'arrangeur suprême. Alors forcément les
moustaches nous en viennent aux babines. L'apparition de ce nouvel
album induit bien des questions, évidemment: Torabi va-t-il se fondre
entièrement dans le Gong historique? Space? Jazz fusion? Ethnique? jazz
rock? avant Pop canterbury? Ou bien adaptera-t-il Gong à son propre
univers, au risque de faire bondir les fans de théïères volantes?
Hommage, plumage, dérapage ou transfromage? Et bien contre toute
attente, c'est la dernière solution, la plus risquée sans doute, qui a
été choisie, en adéquation parfaite avec le parcours artistique sans
concession de Torabi, tout comme celui d'Allen.<i>Rejoice I'm
Dead</i> est un album collégial et démocratique, l'esprit libre
de Gong, son essence-même, ont été préservés. <br><br>
Imaginez une fusion improbable entre l'énergie enthousiasmante de
Knifeworld (assez dominante il faut le dire), son saxo rythmique
impérial, les glissandos et trilles cosmiques à la Steve Hillage (quel
régal!), et les mélodies ethniques ou free de Didier Malherbe, le tout
assaisonné de riffs rock très radiants façon Kavus sous influence
Crimson... et ça marche! Diablement même. Et le groupe assure une
excellence technique de tout premier ordre. Gong a une fois de plus
pris un train en marche. On mesurait déjà les étendues qui séparaient
<i>Angel's Egg</i> de <i>Gazeuse!</i>, ou
<i>Floating Anarchy</i> de <i>I See
You</i>, alors pourquoi jouer la surprise? A l'allure de
<i>Rejoice I'm Dead</i> (également morceau titre,
triomphant, contagieux, extraordinaire, défonçant tout sur son passage)
on peut à nouveau se réjouir d'une telle transformation. Force,
allégresse, poésie, électricité et dérive hyper spatiale sont au
menu... Manqueront cependant l'absurde et l'autodérision, si
constitutifs d'Allen... Une fois la nouveauté stylistique digérée (on
navigue davantage dans des eaux post rock que groove jazz ou funky), on
se dit très vite que bon nombre des musiciens ayant traversé ce cosmos
durant ses quarante-sept dernières années seraient tentés d'en refaire
partie tant l'énergie et l'air frais qui s'en dégagent sont
communicatifs. Une réussite donc. Une seule inconnue demeure: une
nouvelle ère commence-t-elle vraiment, ou est-ce un simple hommage sans
lendemain? Daevid et Gilly seuls nous le diront, de la-haut, là-bas, si
loin, si grands... On n'a qu'une hâte: entendre Torabi et sa bande
puiser dans le répertoire global de ce phénix, pour l'emmener sur
scène. <br><br>
C'est pourquoi et parce que Gong est mort que vive Gong!