MOTIS – Ripaille  (2011)
http://www.motisonline.com
Label : MUSEA PARALLELE
France

Track List :
1- Comtois Rends-toi ! Nenni Ma Foi !  (3 :34)
2- Robin Hood  (7 :15)
3- Pleine Lune  (6 :02)
4- Le Voyage De Brendan  (5 :19)
5- Ripaille  (3 :44)
6- Le Forgeron  (5 :29)
7- L‘Ancien  (3 :29)
8- Les Gens Du Dehors  (2 :45)
9- Dagobert  (5 :07)
10- L’Envolée  (4 :59)
11- La Licorne  (5 :01)

Line-up :
Motis : Vocals, Electric Bouzouki, Keyboards, Bass Pedals
Tony Carvalho : Drums, percussions, Backing Vocals

« Une invite au festin »
Compains et damoiselles, sonnez tocsins et crécelles, brandissez couronnes fleuries et mettez l’hypocras en perce ! Les hardis hobereaux de Franche Comté nous sont revenus, et leur besace est encore pleine !
C’est d’Etival, village haut perché sur les éperons du Jura, dans lequel il est courant de connaître des températures avoisinant les moins-vingt, moins-trente degrés en hiver, que m’est donc parvenu le cinquième album de ce désormais duo, composé de Motis (Emanuel Tissot), initiateur, compositeur, interprète et auteur principal, et de Tony CARVALHO aux baguettes, donnant à l’occasion de la voix. C’est uniquement sur scène que j’ai découvert MOTIS jusqu’à présent, au Festival Crescendo de l’année passée (2010), et le charme m’avait littéralement assujetti. L’énergie de ces gaillards-là, le talent et le travail abattu par le chanteur-bouzoukiste-claviériste-bassiste-au-pied (!!) m’avait littéralement époustouflé, nous plongeant parmi les belles heures de ANGE, et du moyen âge en particulier. J’y avais découvert un progressif tout en folk et chanson française avec beaucoup de ravissement, et leur répertoire présentait déjà assez largement (un concert différent par jour) les pièces de ce disque. RIPAILLE fut donc pour moi le premier vrai contact avec leur travail en studio.
D’emblée, le groupe choisit d’être très fidèle à ses versions scéniques, donc sans overdubs (ou très peu), alternant passages rythmiques (excellents, notamment grâces à l’aisance, la nuance et l’habileté redoutable du batteur) soutenus par le bouzouki, et parties gourmandes de clavier. Le morceau d’ouverture est un régal ; chanson entêtante, propos engagé régionaliste et frondeur (je vis en Bretagne et ne peut qu’applaudir), harmonies belles et subtiles…Mais j’avais déjà repéré ce morceau en avant première sur le net, je l’ai donc retrouvé avec une vraie jubilation. Depuis, il ne me lâche plus ! (Il y en a d’autres).
Le chant des oiseaux prend la suite, suivi d’une rythmique martiale, un motif médiéval, nous narrant la geste de Robin des Bois. Ici, point de doute, nous arpentons des terres angéliques. Exposition, développements, refrain altier, ruptures espiègles. C’est cependant un morceau à moitié réussi, à mes yeux (Le sujet est tout de même très connu, le point de vue n’apporte pas de réelle nouveauté, et du point de vue musical je le trouve un peu maladroit), mais la voix expressive de Motis transcende l’ensemble, cette voix claire et cinglante, aux aigus splendides, avec un très beau grain un peu rugueux en soubassement.
La suite révèle son lot de qualités et de surprises, déployant un souci d’interprétation tout à fait réjouissant. Textes à propos social et théâtralité sont travaillés avec beaucoup de soin (le fantôme de BREL apparaît ici et là). Les sons de claviers sont un vrai régal, mellotron et orgue Hammond en tête. La batterie est tout bonnement formidable (3,6,9,10,11) et l’on se prend plus d’une fois à taper du pied.
« Ripaille » est un reggae ragamuffin médiéval (!!!) très fédérateur. Saluons ici cette volonté d’ouvrir un peu plus la fenêtre des musiques, rapprochant avec bonheur des vents d’apparence contraire (une démarche tout bonnement salutaire, d’utilité publique. Si d’autres pouvaient s’en inspirer, y compris et surtout ceux de nos rangs !...), « L’Ancien » est une chanson très touchante, une invite à la réconciliation familiale, avec un goût d’autobiographie (?), une ode à l’instant présent…
« Pleine Lune », « Le Forgeron », « Les Gens Du Dehors », « Dagobert » (une perle !), « L’Envolée » (instrumental formidable, GENESIS porté très haut et fort) enchaîné à « La Licorne », sont les temps forts de cet album, dont la teneur ne fait que s’accroître en qualité au fil de l’écoute, la toute première d’abord (et c’est donc un atout), tout comme les suivantes.
Alors évidemment, on pourrait peut être reprocher une trop grande austérité aux guitares, dont le son ne varie jamais  (à peine un tout petit passage en distorsion) tout au long de RIPAILLE. On aimerait à l’avenir entendre des inspirations plus orientales, par exemple, redonnant ses origines premières au bouzouki, et nullement incompatibles avec le moyen âge. On pourrait également se plaire à entendre jouer sur les décalages, avec des sujets plus contemporains aux prises avec une musique d’inspiration plus ancienne (trop de moyen âge tuerait le moyen âge ?). On aurait préféré voir gommés quelques bouts de refrains ou motifs un peu bateau, peut être un peu naïfs, on aurait aimé des arrangements un peu plus étoffés, le studio permettant d’aborder un disque avec un peu plus d’ambition que la scène(d’ailleurs, à ce propos, le groupe gagnerait, je pense ainsi à la bascule entre CD et live, proposant du coup un répertoire scénique plus dépouillé certes, plus à l’os, mais à la pulsion toute rock, dévoilant toute la substantifique moelle des compos. C’est vrai qu’ici: CD = Live. Je suis un partisan de la séparation des deux dimensions, à mon sens nécessairement distinctes. La scène se doit d’apporter autre chose…). Et puis j’entends aussi les vociférations des fanatiques du solo de gratte et des compositions démonstratives, les intégristes de la complexité forcenée, les dictateurs de la technique démonstrative. Sans doute regarderont-ils cet album avec dédain, ce qui justement donnera raison aux duettistes de MOTIS, puisque leur travail dénonce justement les dédaigneux (entre autre)…! On pourra aussi rétorquer (et il faut m’en croire) que leur musique est indubitablement taillée pour la scène. Il faut aller les voir !
Moi, ce groupe, réduit au duo (ils furent trois pendant un temps), portant haut joies et tempêtes (de neige, à l’occasion), au plus prêt de l’histoire des hommes, faisant preuve d’une telle ambition, et cela sans jamais dissimuler son héritage, je trouve cela très réjouissant, cela ne peut que forcer le respect.
Un petit mot pour la mise en son, très bonne, claire, spacieuse, au plus près des instruments, sans chichis, façon chanson quasi réaliste, de même que la voix (du coup) très en avant (parfois un poil trop), tout cela contribue à l’énergie qui caractérise l’ensemble de l’album, à l’image de ceux qui l’ont réalisé. Je n’ai malheureusement pas d’éléments de comparaison avec leurs précédents efforts pour mesurer les progrès effectués au fil du temps. Quoiqu’il en soit, je détiens là un disque de très bonne facture, qui vous gagne de plus en plus, et dont je colporterai les bienfaits tout autour de moi encore longtemps.
CHFAB
3/4

 

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